Une envie de Suisse
Delphine Bovey
Éd. Socialinfo, Lausanne, 2017, 228 pages, CHF 29.-
Éd. Socialinfo, Lausanne, 2017, 228 pages, CHF 29.-
Le Goetheanum Le Goetheanum |
Dornach, canton de Soleure |
À la gare CFF de Bâle, le train S3 vous conduit à la gare de Dornach-Arlesheim en huit minutes. Continuez à pied, ou avec le bus local numéro 66, jusqu’à l’arrêt « Gœtheanum ». Le Gœtheanum est accessible librement tous les jours, de 8h à 22h. Sur demande, des visites guidées sont également possibles. 45 Rüttiweg, 4143 Dornach. www.goetheanum.org |
Une colonie anthroposophe, aspirant à restaurer le lien entre l’homme et les mondes spirituels, se met en quête d’un lieu où ériger ses constructions. Quelques coups du sort et rebondissements dus à la première guerre mondiale poussent la colonie à choisir une colline à l’écart de Bâle pour y installer définitivement ses quartiers. La petite commune de Dornach devient ainsi le siège mondial de la Société anthroposophique créée par Rudolf Steiner. Sans heurts, la colonie poursuit depuis lors son développement et continue à rayonner dans le monde entier.
Le Gœtheanum conçu par Rudolf Steiner, le fondateur du mouvement anthroposophique, est implanté sur une paisible colline de Dornach, à un jet de pierre de Bâle. Ses débuts n’ont pas été aisés et deux reprises lui ont été nécessaires pour réussir son implantation et devenir un véritable centre mondial.
Rudolf Steiner a créé « L’École Libre de Science de l’Esprit » sur la base de ses travaux consacrés à l’élaboration du projet anthroposophe, notamment son ouvrage principal Vérité et science qu’il reprendra et complétera plus tard sous le titre La philosophie de la liberté. Grand connaisseur et admirateur des travaux de Johann Wolfgang von Gœthe, Rudolf Steiner donne pour objectif à la Société Anthroposophique Universelle d’étudier, d’éprouver et de décrire les phénomènes de l’esprit avec une précision comparable à celle qui est appliquée dans les sciences physiques. Loin de tout dogme, la recherche dans le monde de l’esprit s’attache à établir des liens concrets avec les dimensions pratiques de la vie ; il s’agit d’allier rationalisme et empirisme pour fonder l’individualisme éthique.
L’architecture, telle que se la représente Rudolf Steiner, utilise la forme comme expression de la métamorphose. À le considérer au-delà de son aspect utilitaire, le Gœtheanum est une réussite sur le plan formel. Conçu sans angle droit, il est complètement hors du temps.
Le bâtiment principal est immense et le seul qu’il est possible d’apercevoir depuis la route. Il trône au sommet d’un champ tel un champignon de béton armé surdimensionné. Son volume semble de plus en plus impressionnant à mesure que l’on s’en approche. En empruntant le sentier qui longe l’édifice du côté ouest, on découvre la façade solennelle du Gœtheanum. Du côté sud, le chemin du Rüttiweg conduit à la porte d’entrée principale qui révèle une façade organique. Le bâtiment se transforme en grotte enchantée pour finalement se fondre harmonieusement dans le paysage. Sitôt que l’on franchit le seuil de l’entrée principale, l’immense édifice de béton perd sa rigidité pour se transformer en une invitation à l’expérience individuelle. On déambule dans les couloirs et l’on se hisse allègrement dans les cages d’escaliers, comme si l’on découvrait l’intérieur fabuleux d’une matrice. À chaque étage, des fenêtres ont été disposées avec soin. Les percées qu’elles offrent sur le monde extérieur s’accompagnent d’une sensation de hauteur étourdissante.
Sur la colline de Dornach, la petite « colonie » des Anthroposophes rassemble aujourd’hui plus d’une centaine de bâtiments. Éparpillés ça et là, les édifices utilitaires assurent chacun une fonction particulière que suggère leur forme : la chaufferie, l’atelier de verre, la menuiserie, le magasin de livres, les maisons d’eurythmie, le laboratoire, le home des étudiants, l’observatoire de Kepler. Pour compléter cet ensemble, des maison privatives viennent se fondre dans le paysage. Elles ont été créées en respectant les même codes visuels, sans qu’il soit possible de les confondre.
Lieu de réflexion et de travail, le Gœtheanum exprime une forte utopie. Espace de vie, il nourrit les besoins individuels sans compromettre le développement de la collectivité.