Une envie de Suisse
Delphine Bovey
Éd. Socialinfo, Lausanne, 2017, 228 pages, CHF 29.-
Éd. Socialinfo, Lausanne, 2017, 228 pages, CHF 29.-
Le thé au Waldhaus |
Sils Maria, canton des Grisons |
Depuis la gare CFF de St-Moritz, prenez un bus de la ligne numéro 4 qui vous conduit jusqu’au centre de Sils Maria. Rendez-vous à pied à l’hôtel Chesa Margun, puis empruntez le sentier Via da Fex. Le Waldhaus n’est qu’à deux pas. 3 Via da Fex, 7514 Sils Maria. www.waldhaus-sils.ch |
Plus que centenaire, le prestigieux hôtel Waldhaus de Sils Maria a connu des heures glorieuses et continue de charmer les connaisseurs du monde entier. Un hôtel où l’ancien n’a jamais à craindre d’être détrôné par le moderne et où la décoration intérieure s’inspire fidèlement du style original. Un hôtel qui traverse le temps et les âges sans prendre une ride et sans cesser de ravir les plus exigeants de ses clients. À cinq heures précises, au Waldhaus, les initiés viennent boire le thé et savourer la poésie unique qui se dégage des lieux.
Rares sont les établissements hôteliers pouvant se targuer aujourd’hui d’être demeurés aux mains de la même famille depuis cinq générations. Assurément, le Waldhaus de Sils Maria fait figure d’exception : il a bénéficié d’une heureuse transition entre les générations. Comme posé hors du temps, il évolue sans craindre de s’éloigner de ses racines, ni de se perdre dans la modernité. Il sait préserver ce qui a fait de lui l’un des fleurons de l’hôtellerie, ceux que l’on nomme seulement par leur prénom et qui n’ont, pour sûr, jamais peur de vieillir. Au Waldhaus, on ne badine pas avec la tradition.
Perché sur une colline surplombant le village de Sils Maria, l’hôtel se repère de loin. Il trône, majestueux, tel un vaisseau flottant au-dessus de la plaine. Surgissant d’une forêt de pins mystérieux, il donne l’impression de contempler le monde, impassible. Témoin du passé, il a vu défiler dans ses murs une palette impressionnante de célébrités et rien ne semble avoir échappé à sa vigilance, depuis 1908. Ne nous méprenons-pas ; malgré son apparence imposante, le Waldhaus aspire davantage à montrer, qu’à être admiré…
L’histoire du Waldhaus s’inscrit solidement dans celle de l’hôtellerie alpine de prestige. Pensé avec finesse, construit spécifiquement pour le lieu, cet hôtel monumental est en symbiose avec le décor incomparable de la Haute-Engadine et de ses vallées enchanteresses. Sa position surélevée, entre le lac de Silvaplana et le lac de Sils, lui assure un ensoleillement optimal, propice aux cures de santé dont l’Europe est friande dès la fin du XIXe siècle. Avec l’omniprésence de ce soleil bienveillant, l’éloignement géographique contribue à garantir une atmosphère feutrée dans l’hôtel où règnent le calme et la sérénité. La qualité du cadre est au service de la tranquillité de l’âme : en ces lieux, tous les maux du monde peuvent être appréhendés, dans une contemplation permanente invitant à la réflexion.
Plusieurs des plus grands auteurs et penseurs du XIXe et du XXe siècles ont choisi de séjourner régulièrement au Waldhaus : Hermann Hesse, Thomas Mann, Friedrich Dürrenmatt, Marcel Proust, Theodor Adorno, Albert Einstein, Richard Strauss, Marc Chagall, Jean Cocteau, Luchino Visconti, Carl Gustav Jung, Primo Levi, Alberto Moravia, et la liste est encore longue. Ces esprits brillants et illustres ont laissé une trace de leur séjour, comme un souffle d’éternité à déguster confortablement dans l’un des cossus fauteuils de l’hôtel.
Des traces du passé, miraculeusement préservées, continuent d’ailleurs de faire la joie des visiteurs. À ses débuts, l’hôtel était ouvert uniquement à la belle saison, le climat étant trop rigoureux en hiver. Depuis plus de cent ans, le Waldhaus sert le thé à cinq heures précises. Ce rendez-vous, encore incontournable aujourd’hui, offre une occasion de rencontre qui semble hors du temps. Peu importe que le soleil brille ou qu’une bruine légère vienne griser le paysage, les initiés le savent, le même rituel est célébré par tous les temps. Au Waldhaus, à cinq heures précises, on sert le thé pour accompagner la dégustation, lente et savoureuse, de cette vue incomparable qui ne cesse de fasciner.